Immigration en Europe : la France veut enfermer des enfants

Le 21 novembre dernier, Gérald Darmanin, face à la commission des Lois de l’Assemblée nationale promettait que la Loi Immigration alors à l’examen interdirait la rétention des mineurs en France. Mais « en même temps », à Bruxelles, le gouvernement négociait le Pacte européen sur la Migration et l’Asile… où il défendait l’exact opposé. Selon plusieurs médias d’investigation, la France a manœuvré pour faire inscrire dans les textes la rétention d’enfants mineurs, sans limite d’âge, dans des centres de tri aux frontières de l’Europe.

Le Pacte européen sur la Migration et l’Asile est un ensemble de plusieurs règlements, des textes qui s’appliquent automatiquement et uniformément dans toute l’Union. Il a été présenté par la Commission européenne en septembre 2020. Son objectif est de renforcer la lutte contre l’immigration illégale et accélérer la reconduction des personnes en situation irrégulière... Tout un programme.

Les négociations entre États membres sur le Pacte européen sur la migration et l’asile se sont déroulées l’année dernière. Des représentants des gouvernements de l’Union se réunissent à huis-clos pour définir la « position du Conseil » sur le texte. (La position du Parlement européen est définie en parallèle, par les eurodéputé·e·s.)

Les médias d’investigation Disclose et Investigate Europe révèlent aujourd’hui les positions tenues par la France lors de ces négociations.

Ils expliquent :

« À Bruxelles, le gouvernement français a œuvré dans le plus grand secret pour obtenir l’autorisation d’enfermer des mineurs exilés, sans limite d’âge, dans des centres construits aux frontières de l’Europe. Cette disposition inscrite dans le Pacte sur la migration et l’asile, qui sera voté au printemps par le Parlement européen, pourrait violer la Convention internationale des droits de l’enfant.»

Dans sa proposition, la Commission européenne autorisait la rétention de personnes en situation irrégulière à partir de 12 ans. Pour la France, 12 ans, c’était déjà trop !

Et à force de lobbying, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin ont fini par obtenir gain de cause. Dans un compte-rendu de négociations obtenu par Disclose et Investigate Europe, un représentant du gouvernement français remercie la présidence du Conseil (la Suède, à l’époque) « pour la suppression de l’exemption des mineurs de moins de 12 ans et de leurs familles ».

Concrètement, la France demande que l’on retienne les enfants dans les zones d’exception situées aux frontières de l’UE. Là-bas, dans les « hotspots », on contrôle, on trie et on enferme ces migrants qu’on ne saurait voir… (👉 Les explications de la Cimade à voir ici.)

De surcroît, le Pacte Migration et Asile contient des dispositions pour intensifier le recueil et la diffusion des données biométriques des enfants migrants. La collecte d’empreintes digitales sera ainsi autorisée dès l’âge de 6 ans ! Et si les enfants refusent, les autorités ont le droit de recourir à la « coercition » - un terme que le texte se garde bien d’expliciter.

A l’approche des élections européennes, les États membres du Conseil, puis les autres institutions européennes (le Parlement et la Commission) ont accepté d’intégrer les demandes françaises dans la dernière version du texte. La version finale du Pacte européen doit encore être validée en commission puis par le Parlement : la délégation Europe Ecologie et le groupe Verts/ALE vont bien sûr s'opposer à ces mesures !


Enquête à lire en français sur le site de Disclose et en anglais sur le site de Investigate Europe.

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