Crise énergétique : avec le projet de terminal méthanier au Havre, Emmanuel Macron choisit la fuite en avant

La guerre d’agression de l’Ukraine par la Russie a révélé au grand jour et accéléré la vulnérabilité de notre modèle économique mondialisé : envolée des prix des matières premières, en particulier des énergies fossiles, menaces de famines, pénuries de microprocesseurs mettant des pans entiers de l’industrie à l’arrêt. Face au chaos, Emmanuel Macron s’obstine à choisir des solutions d’un autre âge et lance une grande fuite en avant.

La promesse d’abondance débouche sur des pénuries qui mettent en lumière la fragilité de notre prospérité.

Le chaos qui gagne l’économie mondiale témoigne de l’impréparation des gouvernements qui n’ont rien anticipé pour garantir notre souveraineté et garder le contrôle sur ce dont dépend notre subsistance. C’est-à-dire relocaliser l’économie, réduire nos consommations énergétiques et développer les énergies renouvelables pour se substituer aux énergies fossiles dont nous sommes dépendants.

Pire, profitant de l’angoisse qui gagne de plus en plus de gens face à la perspective de ne pas pouvoir se chauffer cet hiver, notre Gouvernement se distingue en proposant des solutions du passé qui ne répondent en rien aux besoins de la population.

Ainsi, le Président de la République a-t-il annoncé que notre avenir énergétique passerait par le développement massif du nucléaire avec la création de 14 nouveaux EPR d’ici à 2050.

Sans refaire le débat sur le nucléaire, il est néanmoins nécessaire de rappeler que nous n’avons pas de mine d’uranium en France, que les chantiers d’EPR en Finlande et en France ne sont toujours pas achevés, que le coût de production d’un MWh de ces futurs EPR est estimé au moins au double de celui des EnR et que 50 % du parc actuel est à l’arrêt pour faire face à des failles de sécurité.

Mais pour notre Président de la République, point de doute, le nucléaire c’est LA solution à tous nos remèdes et tant pis si la Russie nous rappelle chaque semaine qu’une centrale nucléaire civile peut se transformer en menace majeur pour la sécurité publique.

Il faudra également qu’il nous explique comment la construction de centrales annoncées pour 2035 est sensée répondre à nos besoins énergétiques pendant les 13 prochaines années.

On a malheureusement un début de réponse, le Gouvernement ne compte pas renoncer aux énergies fossiles, y compris aux pires d’entre elles, le charbon et le gaz de schistes. 

C’est vrai au niveau européen où la France a été la grande organisatrice du deal de la honte afin d’inscrire le gaz et le nucléaire dans la taxonomie verte. C’est également vrai en France…

Le Gouvernement a annoncé vouloir rouvrir une centrale à charbon cet hiver et créer un terminal flottant au Havre pour importer du gaz naturel liquéfié.

Le gaz liquéfié est un gaz naturel refroidi transformé à l’état liquide qui permet son transport par des navires méthaniers. Techniquement, il constitue une « alternative » au gaz importé de Russie via les gazoducs.

Cependant, son recours pose plusieurs problèmes.

Les principaux pays fournisseurs sont le Qatar, l’Azerbaïdjan, et l’Algérie, qui comme chacun sait sont des « exemples de démocratie » et les États-Unis qui pratiquent l’extraction par fracturation hydraulique aux conséquences dramatiques pour l’environnement et la santé humaine.

Difficile de justifier que pour lutter contre une dictature on va importer du gaz provenant d’états autoritaires et/ou issus de modèles extractivistes parmi les plus nocifs pour l’environnement.

Difficile de justifier que pour pallier à l’absence d’anticipation de la crise climatique on va renoncer à tous ses principes en matière de protection de l’environnement et de la santé humaine.

L’exploitation du gaz de schiste entraîne la pollution des eaux, des séismes locaux, la destruction des paysages, et l’émission de méthane qui génère 25 fois plus de gaz à effet de serre que le CO2.

Quant aux impacts sur la santé je vous livre la synthèse des études en cours : « A certaines concentrations, plus de 75 % des produits utilisés pour la fracturation hydraulique sont connus pour affecter négativement les yeux, la peau et d’autres organes sensoriels, le système respiratoire, le système gastro-intestinal et le foie. Et 52 % ont le potentiel d’affecter négativement le système nerveux, tandis que 37% sont de possibles perturbateurs endocriniens. »

Mais est-ce qu’au moins la décision du Gouvernement de fouler aux pieds nos valeurs démocratiques, la préservation de l’environnement et la santé humaine permettra au travers de ce type de projet de résoudre à court terme nos problèmes d’approvisionnement énergétiques ?

Absolument pas.

Même si l’installation d’un terminal méthanier flottant est bien plus rapide que la construction d’une centrale nucléaire, sa mise en service est annoncée pour le mois de septembre 2023, après donc l’hiver 2022 pour lequel on nous annonce de possibles coupures du gaz et d’électricité.

Vous me direz, « au moins on sera prêt pour l’hiver 2023 ».

Pas du tout.

Le terminal flottant que Total veut implanter dans le port du Havre a une capacité de gazéification de 5 milliards de m³.

A titre de comparaison la France consomme chaque année 45 milliards de m³, l’Europe 460 milliards de m³ dont 155 milliards importé de Russie.

Le projet ne représenterait donc que 9 % de la consommation française, 3 % des importations russes et 1 % de la consommation européenne.

Comment dans ces conditions espérer nous faire croire que ce projet va résoudre nos problèmes d’approvisionnement ?

Ce n’est ni plus ni moins qu’un retour en arrière néfaste pour l’environnement, la santé humaine et la démocratie.

La seule solution pour nous sortir de cette impasse est d’investir massivement dans les économies d’énergie, le développement des renouvelables et, dans l’intervalle, de soutenir les plus modestes par des chèques énergies ciblés pour les sortir de la précarité énergétique.

Le Groupe vert au Parlement européen a produit une étude récente qui démontre que l’Union européenne pourrait avoir recours dès 2040 à 100% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique. 

Ce n’est pas l’approche qu’à retenu ce Gouvernement qui a opté pour une fuite en avant qui ne peut que conduire à l’effondrement du système et à l’aggravation du retard que la France à d'ores et déjà pris dans le domaine des énergies renouvelables.

Pour finir, je citerai les propos du Conseil constitutionnel, qui n’est pas réputé pour être un repère de dangereux Amish prônant le retour à la bougie (qualificatifs dont monsieur Macron use à l’égard des écologistes).

Devant se prononcer sur le projet de terminal méthanier flottant dans le port du Havre, les Sages du Conseil constitutionnel ont déclaré le 12 août :

« Au regard de son objet et de ses effets [la future infrastructure] est susceptible de porter atteinte à l’environnement. […] Les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».

Se préoccuper des générations futures, tout est dit.


Lire le communiqué de Normandie Ecologie, le groupe écologiste au Conseil régional de la Région Normandie.

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