Dégradation de la ressource en eau : Macron à la manœuvre

Lors de la campagne présidentielle de 1974, René Dumont, dans son pull rouge, alertait sur le danger qui pesait sur l’eau en brandissant un verre du précieux liquide, puis en le portant à ses lèvres.

Visionnaire, hélas, il annonçait des périls qui se sont avérés justes.

Cinquante ans après, il n’y a plus un seul endroit dans le monde où l’eau de pluie est naturellement potable.

Si même le ciel est pollué, il en est de même de l’eau dans nos sols.

C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, l’Europe cherche à protéger la ressource en eau, enjeu majeur de biodiversité, de santé humaine et de justice sociale.

Dès 2000, elle a pris une Directive-cadre sur l’eau (DCE) avec pour objectifs :

  • La non-dégradation des ressources et des milieux ;

  • Le bon état des masses d’eau, sauf dérogation motivée ;

  • La réduction des pollutions liées aux substances ;

  • Le respect de normes dans les zones protégées.

Malheureusement, vingt ans après, le bilan est très insatisfaisant puisque 60 % des masses d’eau en Europe ne parviennent pas à atteindre l’objectif fixé par l’Union européenne d’un « bon état » écologique. Sans même parler de la situation sur les îles de la Martinique ou de Guadeloupe où l’eau et les sols sont quasiment intégralement contaminés par le chlordécone…

Cette dégradation de la qualité de l’eau a plusieurs causes.

Écologique, tout d’abord, les intrusions salines détériorent les eaux souterraines et menacent la quantité d’eau douce disponible

Historique ensuite, de nombreux sites contaminés continuent à infuser des produits dangereux dans la nature, les sols, les eaux de surface et les nappes.

Économique, enfin, agriculture et industrie contaminent les masses d’eau au travers des nitrates, du mercure, du cadmium et autre métaux lourds.

Mais au-delà de ces facteurs communs à plusieurs pays, il y a des circonstances aggravantes en France.

Championne de l’agriculture intensive, la France traîne des pieds pour agir concrètement contre la pollution de l’eau.

Elle aura mis quatre ans pour établir un premier état des lieux après l’adoption de la Directive-cadre Eau et cinq de plus pour avoir les premiers plans de gestions !

Et depuis, leur mise en œuvre laisse à désirer.

Une enquête récente du Monde et de France 2 a mis en lumière que 20 % de la population en métropole avait dépassé les seuils requis en matière de qualité de l’eau en 2021. (voir ci-contre)

Qu’à cela ne tienne, l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à récemment ré-haussé les seuils maximaux autorisés pour deux métabolites (sous-produits) issus des pesticides ! Un tour de passe-passe qui provoque l’inquiétude de nombreuses associations mobilisés sur les risques sanitaires.

Résultat « magique » : la Normandie est pratiquement passée intégralement en vert sur la carte de l’Agence Régionale de Santé (ARS) en matière de dépassement de seuil, alors même que son l’agriculture intensive fait un usage massif de pesticides, en particulier en Seine-Maritime. 

La stratégie du Gouvernement français est claire comme de l’eau de roche : quand il ne parvient pas à régler un problème après des décennies d’inaction, il préfère tout simplement casser le thermomètre.

Heureusement, l’État français n’est pas le seul à avoir son mot à dire en matière de qualité de l’eau et de santé humaine.

  • La justice française a, en première instance (2019), en appel (2021), puis par la voix du Conseil d’Etat (2022), annulé l’arrêté préfectoral de 2017 autorisant la construction d’un entrepôt de pesticides d’une capacité de plus de 4 000 tonnes sur un captage d’eau à Vieux Manoir à 26 km de Rouen.

  • Plus récemment, en mai 2022, la Cours de Justice européenne a donné raison à France Nature Environnement (FNE) qui attaquait l’État français pour son non-respect de la Directive-cadre Eau.

Consciente des failles dans la protection de la ressource en eau, la Commission européenne vient de proposer de réviser les mécanismes de surveillance des polluants en ajoutant de nouvelles substances à la liste prioritaire, en révisant les normes de qualité environnementales et en améliorant les mécanismes industriels.

C’est une bonne nouvelle mais nous aurions tort de croire que cela suffira.

La préservation de la ressource en eau repose d’abord et avant tout sur des collectifs citoyens qui se mobilisent pour dénoncer des projets agricoles ou industriels irresponsables et qui n’hésitent plus à attaquer les décisions de leurs propres Etats en justice, à l’image de la victoire contre le projet de stockage de pesticides à Vieux-Manoir.

Seule l’action combinée de collectifs citoyens, d’associations environnementales, de médias d’investigations et d’élu.es responsables sera à même de tenir têtes aux lobbys économiques agricoles et industriels qui sont prêts à tous les dénis à la perspective des profits iniques qu’ils comptent réaliser au détriment de notre santé.

S’enrichir, quoi qu’il en coûte… pour notre santé et pour l’environnement.

Précédent
Précédent

Démocratie et nucléaire ? L’union impossible

Suivant
Suivant

Nouvel accident industriel à Rouen : l’État privilégie les industriels au détriment de la sécurité