La voiture, cette amie qui vous veut du mal

Les parisiennes et les parisiens viennent de se prononcer en faveur de l'augmentation du prix du stationnement pour les SUV, ces énormes voitures qui ont tendance à envahir nos villes.

C'est une bonne nouvelle dans une période de régression de l'environnement avec les reniements du gouvernement sur les pesticides pour contenter les dirigeants de la FNSEA au détriment des paysans, qu’ils sont censés représenter, de l’environnement et de notre santé.

La Métropole de Rouen n’a pas encore suivi l'exemple de Paris et de Lyon mais je l’y invite vivement.

On ne peut pas avoir pour ambition d’apaiser la ville et laisser des véhicules pesant parfois plus de deux tonnes l'envahir, avec un risque d'accidents mortels qui double en fonction du poids des véhicules.

Néanmoins elle a pris une décision qui me semble aller dans le bon sens : la fin de la gratuité du stationnement et de la recharge des véhicules électriques.

J’avoue n’avoir jamais compris pourquoi les véhicules électriques bénéficieraient de tels avantages.

Même à moteur électrique, une voiture reste une voiture, tout aussi encombrante — voire plus — que celles à moteur thermique. Et si elles émettent localement moins de pollution elles nécessitent pour leur fabrication des matériaux rares et stratégiques, dont l’extraction est particulièrement polluante et nuisible à la biodiversité et dans des conditions sociales souvent indignes. 

Et bien entendu, il faut produire de l’électricité pour faire fonctionner ces véhicules, ce qui entraîne, là encore, des impacts, des risques ou des coûts importants. De ce point de vue, les nouvelles déconvenues du programme nucléaire EPR de la France illustre qu’il n’y a pas de formule magique. Faire miroiter aux citoyennes et citoyens que le véhicule électrique permettra de résoudre le problème climatique tout en réduisant le coût des déplacements automobiles pour les foyers grâce à une électricité bon marché est une fausse promesse et même une imposture.

Si l’avenir de l’automobile est la voiture électrique, l’avenir de nos mobilités n’est pas l’automobile.

Car il n’existe aucun modèle écologiquement viable et socialement juste consistant à contraindre une grande majorité de la population à se déplacer — le plus souvent seul — dans un véhicule pesant plus d’une tonne ou une tonne et demi.

La question à se poser est : quel modèle de société souhaite-t-on promouvoir ? Toujours plus d'argent pour la voiture individuelle ? Ou bien une réelle stratégie d’alternative(s) au transport motorisé individuel ?

Non seulement les dirigeants politiques actuels semblent avoir choisi la première option, mais pire, en 30 ans, le poids (et la taille) des voitures s'est considérablement accru (+ 30%), sans compter les prix qui ont également bondi de 60% !

Même en laissant de côté un instant les questions écologiques, qui aujourd'hui peut se payer un SUV à 30.000 ou 40.000 € ?

Pas grand monde, si on en croit la généralisation des contrats de location et les aides à la voiture. C'est sans doute pour cela qu'en un an l’État a attribué 1,7 milliards d'euros pour le « bonus écologique » (l'aide à l'achat de véhicules électriques) et 600 millions d'euros pour la « prime carburant » pour les véhicules thermiques.

Rien que pour ces deux dispositifs la voiture bénéficie de 2,3 milliards d'aides par an. Cette somme est à comparer avec les annonces d’Emmanuel Macron en faveur du train…

Pour permettre la création de dizaines de lignes de RER métropolitains dans les trente plus grandes agglomérations de France, il a mobilisé 700 millions d'euros. Pas par an, une seule fois pour un programme dont le coût total est estimé à 10 milliards d’euros ! Rien que pour sa partie investissement !

Sur la durée de vie de ces infrastructures de transports collectifs structurants, la voiture aura été aidée 50 fois plus que le train !

Cela illustre parfaitement le sens des priorités du Gouvernement : tout pour les industries du « monde d'avant », rien ou presque pour l'environnement et la protection de la santé de nos concitoyen·ne·s.

Pendant ce temps, à Rouen, on attend toujours de savoir si le Gouvernement va réaliser une autoroute A133-A134 tout aussi coûteuse que destructrice pour l'environnement et la santé.

On attend également de savoir si l’État va enfin mettre fin au scandale de la France à deux vitesses. Les bus et le train sont financés par une taxe sur les entreprises de plus de 11 salariés : le versement mobilité. Sur Paris le taux est de 3,20% ; à Rouen, comme dans toutes les grandes villes, il est de 2%. Soit près de 40% de ressources de moins pour Rouen que pour Paris.

Il serait temps que l’État se conforte au principe constitutionnel d'égalité d’accès aux services publics.

Dans une époque de plus en plus anxiogène, le Gouvernement doit revoir ses priorités :

·         Garantir des revenus dignes à nos agricultrices et agriculteurs plutôt que de supprimer les normes environnementales ;

·         Combattre les marchés de libre-échange qui sacrifient notre agriculture au profit de nos exportations automobiles ;

·         Financer massivement les alternatives à la voiture individuelle plutôt que d'en rendre nos concitoyennes et concitoyens chaque jour un peu plus dépendant·e·s ;

·         Légiférer pour limiter significativement la taille et le poids des véhicules disponibles pour le grand public, tout en imposant le recyclage de l’intégralité des matériaux nécessaires à leur fabrication afin de limiter drastiquement l’extraction de ces minerais.

 

En bref, penser d'abord à l’intérêt général plutôt que de défendre celui d'une minorité dont la richesse devient de plus en plus indécente.

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