Menace sur le Littoral : Anticiper et s'adapter

Les impacts du dérèglement climatiques sont chaque jours plus visibles et plus intenses, soulignant le caractère insoutenable et punitif de notre modèle actuel dit « de développement ».

Les deux derniers étés ont été marqués par des incendies de forêts destructeurs et cet hiver par des inondations à répétitions, encore récemment le 9 mai à Bardouville dans la métropole de Rouen, qui contraignent les habitant·es des zones touchées à quitter leurs logements faute d'assurance acceptant de couvrir les risques.

C’est pourquoi je veux vous parler aujourd’hui d'un fléau qui touche particulièrement notre région normande : le recul du trait de côte.

Avec la montée générale du niveau des eaux, le trait de côte se déplace vers l'intérieur des terres. En France, c'est 22% des 20.000 kilomètres de littoral qui sont soumis à des phénomènes d’érosion et 650 km en recul de 50 cm par an en moyenne.

C'est à la fois un processus « naturel » - même si cette montée est liée aux conséquences de l’activité humaine au niveau mondial - qui entraîne la perte de matériaux sous l'effet de l’érosion marine; mais ce phénomène est souvent amplifié par des activités et des aménagements au niveau local:

  • Installation de digues de protection, qui se contentent de déplacer le problème ailleurs (en plus fort) et qui, comme dans l'inondation survenue à Bardouville peuvent rompre sous la pression de l'eau ;

  • Urbanisation proche du littoral, qui entraîne des ruissellements de surface ;

  • Extraction de ressources naturelles (notamment les granulats marins pour la construction) ;

  • De façon plus générale la sur-fréquentation des milieux naturels.

Pour mieux appréhender le sujet, je me permets de faire un renvoi vers le site GéoLittoral qui propose une cartographie dynamique multicritères à l'échelle de la France dont j'ai extrait la carte de la Normandie en image d'illustration de ce billet.

Adresse à visiter 👉 https://www.geolittoral.developpement-durable.gouv.fr/indices-des-atlas-de-sensibilite-du-littoral-a1597.html#H_Cartographie

Le site est très bien fait, on peut sélectionner jusqu'à 4 couches séparément ou simultanément (bouton vert) : sensibilité environnementale, socio-économique etc. ; Le type de fond pour améliorer la lisibilité de la carte (bouton marron) ; Faire une recherche géographique en renseignant une adresse dans le champ en haut à gauche.

Je vous invite à prendre le temps de consulter cet atlas réalisé par le CEREMA, établissement public réalisant des études pour les pouvoirs publics, un grand merci à eux.

Que faut-il en retenir ?

Pas de bonnes nouvelles, j’en ai peur… La situation est mauvaise et n'est pas prête de s'améliorer.

Les événements les plus spectaculaires sont de loin les effondrements de falaise survenus à Étretat, Granville, La Pointe du Hoc Le Tréport, Fécamp, Cauville-sur-Mer… Il y en a tellement que je ne peux tous les citer. Sur le moment, on est frappé de stupéfaction puis… on oublie.

Le problème est que le recul du trait de côte ne se limite pas à ces seuls événements spectaculaires, déjà graves, mais touche l'ensemble du littoral avec des risques plus ou moins graves : disparition des plages, risques d’inondation ou sur-risques industriels.

Les pouvoirs publics ne sont pas inactifs mais leur action n'est clairement pas à la hauteur des enjeux.

L'Europe n'a pas d'action directe sur le sujet, cela relève des politiques nationales, mais elle agit néanmoins indirectement au travers d'une directive (2007/60/CE du 23 octobre 2007) visant à lutter contre le risque d’inondation. Par ailleurs elle agit également sur les causes par l'intermédiaire de toutes ses politiques en faveurs de la réduction des gaz à effet de serre.

Mais l'essentiel de l'action publique se situe au niveau des États. La Directive européenne a tout d'abord été retranscrite dans la Loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, complétée en 2012 par une Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC). Elle vise d'une part à améliorer la connaissance du phénomènes (observatoires, site GéoLittoral etc.) et, d'autre part, à définir des plans d'actions pour réduire les risques et atténuer leurs impacts.

C'est une démarche nécessaire et même louable mais qui est vouée à l'échec si on ne remet pas en question notre modèle consumériste qui considère que la nature est une ressource à notre disposition dont nous pourrions user sans conséquences.

Les inondations de cet hiver illustrent parfaitement la situation. Confronté·es aux aléas climatiques des centaines de nos concitoyen·es ont décidé ou envisagent de quitter leur logement devenu invivable. Aucune solution techniciste ne pourra « domestiquer » les éléments et empêcher ces phénomènes de s’amplifier, elles pourraient même contribuer à aggraver la situation.

Toutes les stratégies de « défenses contre la Mer » sont vouées à l’échec. La « Guerre » à l’environnement est un combat perdu d’avance. Car la « gagner » signifie notre perte.

La nature ne négocie pas. On ne peut composer avec elle. Et il serait sage de comprendre que nous dépendons d’elle plutôt qu’elle dépend de nous.

Non, la solution est ailleurs.

Elle est dans la sobriété et l'acceptation que c'est à la nature de fixer les règles de coexistence avec nôtre espèce et non l'inverse.

On ne peut plus continuer à bétonner le littoral en le sacrifiant sur l'autel de l'industrie touristique de masse, qui pose au demeurant plein d'autres problèmes.

On ne peut plus surexploiter nos fonds marins au profit de projets pharaoniques du type du Grand Paris qui épuisent nos réserves en granulats et accélèrent le recul des terres vers l'intérieur.

On ne peut plus continuer notre course effrénée à la surconsommation qui génère énormément de gaz à effet de serre accélérant le processus de montée des eaux et donc d'érosion du littoral.

Enfin, il faut revoir l'ambition du programme d'actions de l’État qui n'est pas à la hauteur des enjeux : il faut qu'il soit à la fois plus solidaire, pour que personne ne soit abandonné seul face à l'adversité et plus ambitieux, en posant clairement la question du maintien et donc de la reconversion des activités économiques menacées par la montée des eaux.

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