Vous reprendrez bien un peu de... déchets toxiques ?

Lorsqu’on pense aux impacts des activités humaines on évoque souvent le dérèglement climatique, parfois la destruction de biodiversité, mais on oublie la plupart du temps une conséquence très concrète de notre société de consumation et de gaspillage : les déchets.

Nous produisons des quantités astronomiques de déchets, déchets alimentaires, ordures ménagères, déchets de chantier, déchets radioactifs… Certains sont bénins, on peut facilement transformer nos coupes de jardins en compost, d’autres sont extrêmement dangereux pour les humains et l’environnement. 

On pense au nucléaire, bien sûr, mais pas seulement. On a tendance à oublier que l’on produit tous les jours des déchets extrêmement toxiques pour lesquels le devenir est souvent escamoté : amiante, résidus d’incinération des ordures ménagères, plomb, boues de dragage, etc.

Il faut mesurer que tous ces déchets ne peuvent pas être recyclés, ni éliminés. Ils sont stockés en quantité industrielle avec des risques sérieux de dissémination lorsque les matériaux sensés garantir l’isolation des fosses à déchets auront perdus leur étanchéité ou face aux aléas climatiques, notamment les inondations.

La gestion de ces déchets relève de la compétence de la Région qui a établi un Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) qui dit en résumé qu’il faut moins produire, mieux gérer et limiter le nombre de sites d’enfouissement.

La Normandie possède déjà un site sur le territoire de la Métropole de Rouen, sur la commune de Tourville-la-Rivière au lieu-dit de la Fosse Marmitaine.

Le site, géré par une filiale de Veolia, enfouit chaque année 80.000 tonnes de déchets dangereux ISDD et 250.000 tonnes de déchets inertes (ISDI) issus principalement des chantiers.

Les chiffres sont colossaux : 330.000 tonnes de déchets par an dont on ne sait que faire. Cela avait conduit les autorités à accorder en 2018, après enquête publique, une autorisation pour accroître le stockage sur le site en rehaussant jusqu’à 5 mètres les fosses.

A l’époque les autorités publiques avaient bien spécifié que ce serait la dernière fois. Cinq ans plus tard, grâce à la vigilance d’élu·e·s et de militant·e·s locaux on apprend que l’exploitant du site actuel a présenté un nouveau projet d’extension du site.

Pour être précis, il ne s’agirait pas d’une extension mais de la création d’un nouveau site, juste de l’autre côté d’un chemin sur la commune de Cléon, sur une emprise naturelle d’une quinzaine d’hectares constituée pour partie de prairies et d'une partie du bois des Coutures.

Le nom du bois des Coutures était apparu récemment dans la presse car la Métropole avait pour projet de raser le secteur Nord au-delà de la voie SNCF pour réaliser une zone d’activité économique.

Heureusement, grâce à la mobilisation des écologistes, la Métropole a pris la décision de geler le projet avec la perspective d’un abandon définitif dans le cadre de la révision du Plan local d’urbanisme (PLUI).

Dans le cas du projet porté par la filiale de Veolia, c’est la zone Sud qui serait ravagée sur l’emprise d’une ancienne carrière. Ce qui démontre au passage la duplicité de certains acteurs économiques : lorsqu’une entreprise essaie de convaincre de l’utilité d’une nouvelle carrière elle explique souvent qu’après exploitation elle restituera le site quasiment en meilleur état environnemental qu’avant.

Cet argument m’a toujours mis en colère, mais dans le cas présent on se situerait dans le mensonge caractérisé car personne ne pourra imaginer qu’un site naturel remplacé par un stockage de déchets dangereux constituerait un bienfait pour l’environnement.

Alors bien sûr on en est qu’au stade de projet. Des élu·e·s locaux et des militant·e·s sont déjà mobilisé·e·s pour s’y opposer ; le PLUI de la Métropole ne permet pas la réalisation de ce projet sauf que, dans notre pays, si l’État décide que ce projet est d’intérêt général, il pourrait contraindre la Métropole à modifier son PLUI pour permettre sa réalisation.

Or, dans notre histoire récente nous avons déjà un exemple où l’État va contre les autorités locales : le projet écocide d’autoroute à péage A133-A134.

Alors que la Métropole a décidé en 2020 qu’elle ne souhaitait plus que ce projet se réalise sur son territoire, annulant sa contribution financière de 66 millions d’euros, l’État a décidé de passer outre et de confirmer le projet en dépit des réserves de ses propres instances nationales à l’image du rapport récent du Conseil d’orientation des infrastructures (COI).

J’en appelle donc au Préfet pour qu’il se prononce sur ce dossier qui n’a aucune chance d’aboutir sans le concours de l’État.

Le territoire du grand Elbeuf a déjà payé un lourd tribut environnemental pour l’ensemble de la Normandie. Le site est d’ailleurs particulièrement exposé au risque d’inondation, il serait irresponsable de poursuivre dans l’erreur et inacceptable que cette boucle de la Seine soit sacrifiée sur l’hôtel du productivisme normand.

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