La biodiversité disparaît aussi en Normandie… pas les profits indus

Lorsqu’on parle d’environnement, on pense surtout aux dérèglements climatiques, en oubliant parfois les menaces qui pèsent sur la biodiversité. La COP15 sur la biodiversité s’est réunie à Montréal en décembre dernier, et on en a très (trop) peu parlé.

Et lorsqu’on parle de la biodiversité, c’est surtout pour évoquer les menaces qui pèsent sur des espèces emblématiques de nos océans ou autres étendues naturelles lointaines, mais très peu, pour ainsi dire jamais, de la biodiversité « près de chez nous ».

Pourtant nos lieux de vies sont riches de biodiversités végétales ou animales. Malheureusement, elles sont quotidiennement mises en danger par l’activité humaine : étalement urbain, pollutions d’origines agricoles et industrielles, surexploitation forestière, surpêche, etc.

Pour lire le rapport, cliquer sur l’image

En Normandie, l’Agence Normande de la Biodiversité (ANBDD) vient de publier un impressionnant recensement des espèces de mammifères réalisé par le Groupe Mammalogique Normand (GMN) et basé sur 225 000 observations recueillies entre 2011 et 2020 !

L’évaluation a porté sur 60 espèces de mammifères terrestres sur les 95 espèces recensées en Normandie et 7 espèces de mammifères marins observées dans les eaux normandes ou échouées sur nos côtes.

Le constat est attristant. En dépit des efforts de protection, 20,9 % des espèces étudiées sont aujourd’hui menacées (14 au total). Cela comprend les espèces classées en « danger critique », « en danger » ou « vulnérables » ; et trois ont malheureusement disparues : le chat forestier, le vison d’Europe, le castor d’Eurasie. Seules 49,2 % des espèces sont considérées comme « non menacées ».

Face à ce drame « près de chez nous » nous devons en priorité agir localement en rejetant tous les projets écocides issus du modèle productiviste tel l’inutile projet autoroutier à péage A133-A134 plus connu sous le nom de « Contournement Est de Rouen ».

La violette de Rouen (Viola hispida), une espèce endémique de la région normande

Je prends cet exemple à dessein car le porteur du projet, l’État français, avait essayé de convaincre l’Europe de la possibilité de faire passer une autoroute à travers une zone « Natura 2000 ». La classification « Natura 2000 » est le plus haut niveau de protection mis en place par l’Europe pour préserver la biodiversité, dans le cas présent une espèce endémique la « Violette de Rouen ».

Fort heureusement, l’Europe a adressé une fin de non-recevoir à l’État français démontrant une fois de plus qu’elle prend bien plus à cœur la préservation de notre Environnement que notre propre Gouvernement.

Pour autant, le gouvernement a persisté dans son erreur et décidé d’un nouveau trajet entraînant la destruction de plus de 500 d’hectares d’espaces naturels et ce, malgré l’opposition de la Métropole de Rouen, pourtant la première concernée.

Je suis consterné face à l’aveuglement institutionnel de ce gouvernement, qui persiste en dépit de toutes les oppositions locales, des alertes des scientifiques et même de ses propres discours — tout le monde se souvient du « Make the planet great again » d’Emmanuel Macron.

Ce projet écocide est également inutile au point que le Conseil d’orientation des infrastructures (COI), vient de réaliser un rapport (p. 106) dans lequel il s’interroge sur le bien-fondé de ce projet alors que l’urgence est à un plan massif de soutien en faveur du ferroviaire.

Il est également scandaleux au regard d’un autre rapport publié cette fois par l’Inspection générale des finances (IGF) qui juge que la rentabilité actuelle des autoroutes va à l’encontre du principe de rémunération raisonnable et préconise une baisse des tarifs de 60 %. Je rappelle que ce pseudo projet de « contournement de Rouen » est en réalité une autoroute à péage.

Enfin, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec LE projet au cœur de toutes les pensées ces dernières semaines la « réforme » des retraites.

Ainsi, au nom de la « nécessité de faire des économies » l’État prétend nous demander de travailler deux ans de plus pour économiser quelques milliards d’euros.

Mais dans ce cas pourquoi persister à dépenser un milliard pour réaliser une infrastructure autoroutière rejetée par acteurs locaux et remises en question par ses propres administrations ?

Quelle autre raison qu’une posture servile à l’égard des grands financiers du monde d’avant qui exigent de pouvoir continuer à percevoir leurs rentes indexées sur la prédation sur la nature et les humains, quel que soit l’impact sur notre santé et notre environnement ?

C’est à leur service que ce gouvernement travaille.

Il ne s’agit pas d’incompréhension ou de maladresses. Plusieurs points font une ligne. Celle de la coalition au pouvoir est de faire payer aux plus pauvres et à la nature le coût des privilèges et du régime spécial dont bénéficient les plus riches.

J’ai une proposition très simple à formuler au Président de la République : ne touchez pas à l’âge (ni aux trimestres) de la retraite et renoncez plutôt à tous ces projets écocides proposés par vos visiteurs du soir. Dans le même temps, mettez fin aux bonus fiscaux dont jouissent les plus fortunés. Cessez de subventionner et de de fiscaliser sans condition ni contrepartie les grosses entreprises.

Bref, cessez de pratiquer cette redistribution à l’envers qui prend aux plus vulnérables pour entretenir le mode de vie des plus privilégiés.

Notre santé et la planète s’en porteront mieux.


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