Au fond des océans, la vérité.

Depuis La Vérité si je mens !, on connait l'argument : il faut donner sa chance au produit. Le problème avec Emmanuel Macron c'est qu'on a déjà payé pour voir. Donc, quand il vient nous revendre pour la énième fois sa conversion écologique, nous nourrissons plus que des doutes. On imagine davantage une nouvelle cargaison de faux-semblants frelatés qu'une épiphanie pour le climat. On nous le reproche, en sommant les militantes et les militants écologistes de ne pas être sectaires et d'attendre de voir si cette fois, les actes suivront les mots. Il faudrait juger sur pièce. Cela tombe bien, c'est précisément ce que nous faisons. Voilà pourquoi je souhaite utiliser ma note de blog hebdomadaire pour attirer l'attention sur un fait qui ne retient pas l'attention des chroniqueurs politiques qui nous reprochent le procès d’intention que nous dresserions à LREM et nous intiment l'ordre de croire à la bonne foi écologique d'Emmanuel Macron.

Une fois de plus c'est vers l'Europe qu'il faut porter le regard pour dissiper le rideau de fumée des éléments de langage. Je vous invite même à descendre au fond des océans pour y trouver la vérité écologique des macronistes. Je m'explique.

Dans les jours à venir sera discuté le rapport d’initiative sur « l’économie bleue ». Le Parlement européen aura donc la possibilité de donner sa position au sujet des aires marines qu’on appelle « protégées » et ce sera une nouvelle occasion pour nous de demander qu’elles le deviennent réellement. C’est notamment le sens de l'amendement défendu par ma collègue, la députée EELV Caroline Roose qui, intensément mobilisée sur la question de la préservation des mers et des océans, a proposé d'en finir avec le chalutage de fond dans ces aires marines protégées. À celles et ceux qui aiment à dire que l'Europe ne sert à rien, la mobilisation de Caroline Roose et des Verts apporte un démenti cinglant. Oui, l'Europe est bien le cadre dans lequel nous pouvons agir pour la préservation écologique de notre avenir commun. Il faut donc saluer la détermination de Caroline et de toutes les ONG engagées sur le sujet. Elles ne désarment pas, loin des yeux du tourniquet médiatique qui occupe sans cesse nos esprits. L'enjeu est considérable. Au moment où j'écris, plus de 85% des eaux européennes pourtant dites « protégées » sont intensément chalutées. C'est ainsi : notre époque met le sens des mots à la torture. Et jamais la formule « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » n’a eu davantage de sens que dans ce moment orwellien où l’on ne cesse d’utiliser des termes pour des usages exactement inverses à leur signification. C’est ainsi que les aires marines dites « protégées » ne sont, en réalité, pour l’immense majorité d'entre elles, absolument pas protégées.

Quel rapport avec Emmanuel Macron me direz vous? J'y viens.

À l'heure où il nourrit à grands coup de suspense le storytelling du « je cherche un premier ministre qui saura avancer sur les enjeux écologiques », les agissements de ses comparses eurodéputés racontent autre chose que la fable de la prétendue nation écologique. Ainsi, le député européen LREM, par ailleurs breton, Pierre Karleskind, qui n'est autre que le président de la Commission de la Pêche du Parlement européen, a déposé un amendement qui propose de n’interdire les méthodes de pêche « néfastes » que dans les zones de « protection stricte ». Ce qui revient en vérité à ne les interdire que dans la fraction minimale d’aires marines protégées où elles sont d'ores et déjà interdites. Un amendement pour rien alors ? Non. Une logique de détricotage invisible, mais aux conséquences mortelles, des quelques avancées jadis obtenues. Parce que le statu quo nous fait reculer et menace l'avenir des mers, et donc le nôtre. La manœuvre qui consiste à faire semblant d'agir et à ne rien faire est grossière mais révélatrice : au fond, pour eux l'écologie ne doit rien déranger, rien changer, et au final ne rien protéger.

Ce que font ses amis, à Bruxelles, le Président de la République ne peut prétendre l'ignorer. En réalité, il en est l'instigateur. De grand discours en grand discours, comme celui tenu en février dernier, à Brest, au One Ocean Summit, Emmanuel Macron ne cesse de jouer avec les termes, et d'entretenir le flou sur la réalité de sa politique de protection maritime. Il se targue ainsi de dépasser les objectifs internationaux de protection de l'océan alors que la réalité, c'est qu'il agit fort peu. En ce qui concerne le seul Hexagone, les zones réellement protégées des activités destructrices ne représentent tristement que 0,005% des eaux. Je n'aborde pas ici les réalités des outre-mers qui mériteraient à elles seules une note de blog entière. Mais il est patent que des enjeux essentiels résident dans ces zones délaissées et honteusement qualifiées d'ultra-périphériques, alors qu'elles sont centrales pour le futur du monde. 

La route est encore bien longue qui nous mènerait à prendre la mesure des vrais enjeux de la préservation de la mer. Ainsi, il faut bien se figurer qu'Emmanuel Macron, qui prétend désormais avoir pris conscience des enjeux écologiques demeure en réalité favorable à l'extraction minière en eaux profondes, avec toutes les conséquences écologiques désastreuses qu'elle engendre : dommages irréversibles causés à la vie marine, aggravation du dérèglement climatique, perturbation de la chaîne alimentaire, etc… La vérité est que, pour Emmanuel Macron, les océans ont vocation à permettre une extension du domaine de la domination et de la prédation humaine à des fins économiques funestes. Il y a un péril, dont Emmanuel Macron n'est d'ailleurs pas le seul visage, à considérer que la mer serait la nouvelle frontière de l’humanité. Dans cette vision, la mer aurait vocation à fournir sans limite ses ressources, pour faire perdurer le modèle économique surconsommatoire actuel. Suivre cette voie déraisonnable nous conduirait, à terme, vers la phase finale de la consommation de la planète et le franchissement délibéré du point de non-retour, au delà duquel nul salut ni réparation ne serait possible. Nous en sommes déjà proche. Aussi l’Europe doit-elle constituer un rempart contre cette folie. Mais les macronistes ne partagent pas cet impératif de modération et de protection des mers, eux dont le regard est borduré par les œillères du libéralisme.

Bref. J’arrête ici la démonstration. Notre vigilance est instruite par l'expérience. Nous ne délivrons aucun blanc seing écologique à Emmanuel Macron. Son nouveau mandat s'ouvre en réalité dans la lancée du précédent, sous les auspices de l'illusionnisme. Face au risque d'une nouvelle duplicité, il n'y a pas de raccourci possible. Sans un rapport de force conséquent, construit à la fois par les mobilisations de la société, par la production et la diffusion d'un nouvel imaginaire débarrassé des logiques extractivistes, et par les combats électoraux, la bifurcation écologique à opérer restera lettre morte. 

Les élections législatives à venir sont donc une étape essentielle et occupent légitimement notre actualité militante. Mais leur préparation - et quelle que soit l’issue, que j’ignore au moment où j’écris ces lignes, de la recherche de l'union - ne constituent qu'un épisode d'un horizon politique plus important encore. Rien ne nous dédouanera d’un travail intellectuel, historique et militant de longue haleine. Et il nous appartient de le mener sans nous laisser décourager par les revers de fortune ou les embûches dont notre route est semée. En rupture avec les logique productivistes et prédatrices de droite comme de gauche, il nous faut persévérer pour construire une force solide, pleinement écologique capable de faire advenir un nouvel ordre politique. Sinon, tous les Macron du monde pourront continuer à dire une chose et à en faire une autre quand il s'agit de sauver la planète. Puisse cette vérité indépassable, remonter à la surface pour être connue et reconnue de tous et toutes.


Ensemble, protégeons les océans. Vous pouvez soutenir le travail de Caroline Roose en participant à l’action organisée par les Verts/ALE au Parlement européen.

Mettons fin au chalutage de fond dans les aires protégées 👇

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