Déplacement à la Martinique : l’Étang des Salines et les droits de la nature

Dans le billet précédent, je vous parlais de Moïse Loumengo, qui possède des terres à proximité du Grand Site de France « Des Salines à la Baie des Anglais », au sud de la Martinique. C’est un lieu de biodiversité incroyable, réserve ornithologique et piscicole, où un collectif citoyen se bat pour les droits de la nature...

Dimanche 12 novembre, après avoir rendu visite à Moïse Loumengo, j’ai retrouvé Garcin Malsa. Nous sommes allés sur le site des Salines, au sud de la Martinique.

Garcin nous a présenté ce Grand Site de France, situé sur la commune de Sainte-Anne, dont il a été maire pendant 25 ans. Pour celles et ceux qui ne le connaîtraient pas, Garcin est un militant infatigable de l’écologie décoloniale. Il se décrit comme le « premier maire écologiste de France », ayant été élu en 1989. La 1ère Martinique publiait l’année dernière un beau portrait de son militantisme et de ses combats, à lire par ici.

L'Étang des Salines est un hub pour la biodiversité et une curiosité géographique : cette lagune communique de façon permanente avec l’Océan Atlantique et la Mer des Caraïbes. Son statut de zone humide d’importance, notamment pour les populations d’oiseaux, est reconnue au titre de la Convention de Ramsar. Ce traité international adopté le 2 février 1971 a pour objectif la conservation et le développement durable des zones humides, et vise à enrayer leur dégradation ou disparition.

L’Étang des Salines, territoire menacé

Forcément, c’est un lieu qui attire les convoitises. Déjà, en 1974, un projet touristique menace le sud de l’île de bétonnisation. Ses ambitions sont pharaoniques : construction de six hôtels, 1000 villas et près de 700 appartements, aménagement d’une marina pouvant accueillir 600 bâteaux, d’un golf, etc. Les arguments ? « Les besoins économiques », « la création d’emplois », etc. Bref, on connaît la chanson !

Face à ce projet, la contestation s'organise : dans un article publié le 18 septembre 1974, Le Monde évoque une action « de type Larzac », en écho à la mobilisation qui se déroule à cette période dans l’Hexagone. Ce « comité de sauvegarde » aura finalement gain de cause, et le projet sera abandonné.

La mobilisation de Moïse Loumengo montre malheureusement que la sauvegarde d’un tel site est toujours d’actualité. En fait, depuis, les conflits d’usage n’ont pas cessé. À chaque fois, les militants écologistes, fidèles à leur histoire, agissent en lanceurs d’alerte. Le site est menacé par la pollution aux pesticides, la bétonnisation, et la prédation de certains acteurs du territoire…

Ainsi, en avril 2022, alors qu’un propriétaire terrien a construit un pont illégal pour son bétail, des centaines de poissons sont retrouvés morts, privés d’oxygène. La 1ère Martinique relaie alors l'alerte des écologistes et des scientifiques, mobilisés sur le site. Avril 2023, rebelote : un agriculteur construit un barrage sauvage, qui assèche le canal et menace la biodiversité. Les écologistes se mobilisent.

En Martinique comme ailleurs, la guerre de l’eau est déclarée, et les écologistes sont en première ligne !

Le combat pour les droits de la nature

Depuis septembre, la mobilisation citoyenne a investi le combat pour les droits de la nature : une coalition d’associations a créé le collectif Sové Lavi Salines et se bat pour la reconnaissance des Salines en tant « qu’entité naturelle juridique ».

Ce combat pour la reconnaissance des droits de la nature est important à plus d’un titre :

  • Pour le droit : reconnaître les droits de la nature, c’est d’abord reconnaître le droit des espaces naturels à se régénérer à un rythme naturel, à un habitat et le droit de remplir son rôle dans les cycles de renouvellement de la Terre, etc. ;

  • Pour la justice : reconnaître les droits de la nature et des écosystèmes, c’est ensuite leur permettre de voir leurs intérêts propres défendus devant la justice ;

  • Pour la démocratie : reconnaître les droits de la nature, c’est enfin reconnaître aux écosystèmes le droit de participer aux décisions démocratiques et d’aménagement du territoire

Parmi les membres de collectif, on retrouve l'Association de Sauvegarde du Patrimoine Martiniquais (ASSAUPAMAR), fondée par Garcin Malsa en 1981, et Notre Affaire à Tous, co-fondée par ma collègue Marie Toussaint, défenseuse des droits de la nature au Parlement européen.

À vos stylos : comme Marie Toussaint et bien d’autres, en Martinique comme dans l’Hexagone, j’ai signé la Déclaration des droits des Salines. Pour faire de même, c’est ici 👇

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