Coup de tonnerre au Parlement européen : le Paquet Climat est rejeté et renvoyé en commission

Vous en avez probablement entendu parler : cette semaine au Parlement européen, les député·e·s européen·ne·s devaient voter sur l’un des plus importants paquets législatifs de la politique climatique de l’Union de cette mandature 2019-2024. Je dis « devaient voter », car cette session a été un RDV manqué entre le Parlement européen et le climat. Qu’est-il donc arrivé au Paquet Climat, aussi connu sous le nom de « Fit for 55 » ?

👉 Spoiler : l’ambition climatique n’a jamais été la priorité des libéraux, des conservateurs et de l’extrême-droite au Parlement européen... Et bien, c’est de pire en pire.

👉 Spoiler bis : il reste encore un espoir !

Que contient ce paquet « Fit for 55 » ?

Depuis juillet dernier, les différentes commissions parlementaires étudient ce que l’on appelle le paquet « Fit for 55 », un ensemble de textes censé transformer les lois de l’Union afin d’atteindre l’objectif de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre.

Il est composé d’un ensemble de textes dont les principaux soumis au vote ce mercredi 8 juin étaient :

  • La réforme du marché carbone interne à l’Union européenne et notamment la fin des quotas gratuits, ces « droits à polluer » octroyés aux entreprises. (On l’appelle ETS, pour « Emissions Trading Scheme », en anglais.)

  • La création d’un mécanisme pour taxer le carbone aux frontières de l’Europe (CBAM ou MACF) : une fiscalité pour que les produits importés qui ne respectent pas les normes européennes ne soient pas moins chers que les produits européens, soumis au marché carbone dans l’Union.

  • La création d’un Fonds social pour le climat, pour venir en aide aux personnes les plus précaires touchées de plein fouet par l’inflation des prix de l’énergie, en particulier par le financement de rénovations de logement, mais aussi par des aides directes aux ménages.

Que s’est-il passé au Parlement ?

Près d’un an après le début des négociations, les textes du Paquet Climat ont été voté à la commission Environnement du Parlement. Les Verts ont soutenu les résultats de ces négociations qui étaient déjà un compromis.

En effet, rappelons que l’objectif de -55%, qui vaut son nom au paquet climat, est déjà insuffisant au regard des recommandations des scientifiques et des objectifs de l’accord de Paris (il s’agirait plutôt d’atteindre -65% voire -70% d’émissions).

Mais pour le vieux monde, c’est encore trop.

Certains groupes et parlementaires ont une nouvelle fois cédé aux lobbies de l’industrie. Une semaine avant le vote en plénière (où tous les eurodéputé·e·s se prononcent sur les textes), de nombreux amendements ont été déposés, la plupart pour obtenir un affaiblissement des objectifs climat. D’autres visaient à satisfaire le lobby du nucléaire. D’autres encore souhaitaient promouvoir les technologies dites de « captation du carbone » qui sont en réalité une fuite en avant en faveur de « solutions » technicistes qui justifient le maintien d’un modèle extractiviste qui émettra encore des GES….

Le rapporteur du groupe de la droite (PPE, dont Les Républicains) a soutenu tous ces amendements climaticides et pro-lobbies. Il a pu bénéficier du soutien de son groupe mais aussi des deux groupes d’extrême-droite : ID (où siège notamment le RN) et ECR (où siègent notamment les néo-fascistes italiens de Fratelli Italia). Et, parfois même, d’une partie significative du groupe libéral Renew (dans lequel siège En Marche). Quelques socialistes ont également parfois soutenu ces amendements, mais l’essentiel de l’axe anti-climat était composé des groupes situés à la droite et au centre de l’hémicycle.

Ces petits arrangements ont complètement détricoté l’ambition nécessaire pour répondre à l’enjeu climatique et au final, rien ne s’est déroulé comme prévu...

Une session plénière inédite

C’est la réforme du marché carbone de l’Union qui a tout changé. Lors du vote sur les amendements, la droite, l’extrême-droite et une partie des groupes libéraux et socialistes ont voté pour le report de la fin de la totalité des quotas gratuits à 2034 (et en faisant commencer leur suppression en 2027 au lieu de 2025...). Ils ont également contre la fin des quotas gratuits en 2030 ou 2032.

Pour les écologistes, ceci constituait une ligne rouge : ce recul rend le texte ridiculement faible, alors que l’urgence climatique nous impose un changement de braquet total. Dans un coup de théâtre, le groupe socialiste a finalement décidé de ne pas non plus soutenir le texte tel qu’amendé (c’est ce qui est discuté, en direct, dans la photo à droite 👉).

Quand aux groupes d’extrême-droite, après avoir prêté main forte au PPE pour anéantir l’ambition écologique du texte, ils ont voté contre le texte final par rejet des politiques européennes…

Finalement, le rapporteur conservateur a été contraint de demander à recommencer de zéro les discussions au sein de la commission Environnement, du (quasi) jamais vu au Parlement européen.

Dans la foulée, la rapporteure du Fonds Social pour le Climat et le rapporteur sur la fiscalité carbone aux frontières ont préféré pas soumettre leurs textes au vote du Parlement car ces trois textes doivent logiquement être étudié ensemble. Tout reste donc à faire.

Les idiots utiles du climato-scepticisme

La morale de cette histoire, c’est aussi le renoncement du groupe Renew, et au premier chef de La République en Marche. Ils avaient déjà préféré s’allier avec les conservateurs, voire avec une partie de l’extrême-droite, au moment de la réélection du bureau du Parlement à mi-mandat. Une fois encore, en refusant de construire une majorité au Parlement avec les groupes progressistes, Stéphane Séjourné, Pascal Canfin et leur groupe se sont mis dans les mains du PPE. Un groupe très sensible aux lobbies qui, depuis ses défaites aux élections nationales, se durcit et se tourne de plus en plus vers la droite de la droite… Ce faisant, les marcheurs du Parlement ont mis en danger l’ambition des textes visant à porter une véritable ambition écologique et sociale. L’épisode de cette session plénière le démontre. Ce sont les complices actifs des fossoyeurs du climat. Et derrière leur verni de combativité de papier qu’ils arborent, la République en Marche demeure à genoux face aux conservateurs et face aux lobbies.

Dernier élément : en raison de ce délai, la France ne présidera plus l’Union européenne lorsque ces textes seront discutés avec le Conseil. C’est une défaite en rase campagne supplémentaire pour la Présidence française et une terrible occasion ratée pour le climat.

Dans ce jeu de dupes, LREM et Renew sont à la fois les idiots utiles des climatosceptiques et des anti-européens. Belle performance.

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