À Strasbourg, David Cormand invite experts et élus pour échanger autour du bien-être animal des animaux d'élevage

Alors que la Commission européenne s'apprête à présenter un nouveau "paquet législatif" sur le bien-être animal (BEA), les députés européens David Cormand (Verts/ALE) et Valérie Hayer (Renew) ont convié, ce 18 juin, leurs collègues francophones à un petit-déjeuner d’échange pour approfondir les implications de cette révision pour les filières d’élevage françaises. L'événement s'est déroulé en présence de plusieurs députés européens, 3 experts invités, ainsi que les représentant.e.s de six associations engagées sur le bien-être animal (regroupées à Bruxelles au sein du Eurogroup for Animals).

Le bien-être animal est un sujet porté depuis longtemps par David Cormand, qui a rejoint en juillet 2024 la commission Agriculture du Parlement européen.

Valérie Hayer a ouvert la rencontre en insistant sur la nécessité d’harmoniser l’application des règles européennes, souvent interprétées différemment selon les États membres. Elle a plaidé pour une approche différenciée selon les espèces, des clauses miroirs dans les échanges internationaux, et une association étroite des éleveurs à la définition des futures règles.

Jessie Dutin-Fernandes (Eurogroup for Animals) a rappelé qu’aucune date précise n’avait encore été communiquée par la Commission sur le calendrier législatif. Elle a souligné qu’il existait déjà 430 normes européennes sur le bien-être animal, mais que leur couverture restait incomplète et leur mise en œuvre trop hétérogène.

Enjeux scientifiques : fin des cages, pratiques douloureuses et cercle vertueux

Luc Mounier, professeur en bien-être animal à VetAgro Sup, a identifié les principaux enjeux scientifiques de la réforme :

·         Fin progressive des systèmes en cage pour toutes les espèces,

·         Réduction des densités d’élevage,

·         Encadrement voire interdiction des pratiques douloureuses (castration à vif, caudectomie, broyage des poussins),

·         Développement de l’accès au plein air, bénéfique tant pour les animaux que pour les éleveurs (réduction des intrants et des charges).

Selon lui, le bien-être animal constitue un cercle vertueux : des animaux en bonne santé valorisent mieux les ressources naturelles, ce qui profite également aux éleveurs.

Enjeux économiques : financer la transition

Hervé Guyomard, économiste à l’INRAE, a mis en garde contre les conséquences d’un maintien du statu quo agricole : affaiblissement des rendements, augmentation des résistances sanitaires, dépendance accrue aux intrants.

Pour réussir la transition, il a appelé à une mobilisation plurielle des financements :

·         Une partie des consommateurs est prête à payer davantage dans le cadre d’un étiquetage clair,

·         La PAC doit orienter ses soutiens vers des objectifs non marchands,

·         Des mécanismes de solidarité dans la chaîne agroalimentaire sont à renforcer.

Sa conclusion : accepter une baisse de rendement à court terme, pour mieux rebondir à long terme.

Témoignage du terrain : la diversité des fermes en question

Philippe Levillain, éleveur laitier, a partagé son expérience concrète d'une exploitation de 120 hectares. Il a mis en lumière :

·         Les difficultés à remplacer la main-d’œuvre lors des départs à la retraite,

·         Les apports du programme Boviwell, outil d’évaluation du bien-être en élevage,

·         La complexité d’appliquer certaines réglementations face à la diversité des modèles d’exploitation.

 

Discussions avec les députés : filières, outils, solidarité

David Cormand a mis l’accent sur la fragilité économique des éleveurs, souvent piégés dans une logique de surspécialisation. Il a défendu :

·         La mise en place d’un Conseil de sécurité sociale de l’alimentation, pour garantir à toutes et tous un accès à une alimentation de qualité,

·         Un équivalent européen d’un “Buy European Act”,

·         La nécessité d’un maillage d’abattoirs de proximité,

·         Le rôle structurant des banques et de l’investissement de long terme.

En réponse, Hervé Guyomard a souligné que les aides ponctuelles (comme les 7 000€ proposés à certains jeunes agriculteurs) ne suffisaient pas. Il a plaidé pour une vision à long terme, une réforme de la concurrence, et la mise en place de clauses miroirs ambitieuses.

Luc Mounier a rappelé les résultats d’une étude sur le transport des animaux, pointant l’inégalité d’application des règles existantes.

Le rôle du consommateur et celui de la PAC

Enfin, plusieurs interventions parlementaires ont porté sur le rôle du consommateur dans la transition :

·         Benoît Cassart, député belge Renew, a soulevé le dilemme d’un consommateur soucieux du prix,

·         Tandis que Tilly Metz, députée luxembourgeoise Verts/ALE, a rappelé que faire peser toute la responsabilité sur le consommateur est injuste.

Elle a réaffirmé que la PAC doit permettre de garantir une alimentation de qualité à des prix abordables, plutôt que d’encourager une production sans limites.

Ce temps d’échange a permis de poser les bases d’un dialogue transversal entre scientifiques, éleveurs, décideurs politiques et ONG, dans la perspective d’une réforme ambitieuse et pragmatique du bien-être animal en Europe. La Commission européenne doit respecter ses promesses et s'engager à présenter, au plus vite, ses propositions de législation sur le bien-être animal. Les citoyens le demandent, et n'ont que trop attendu.

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