Face aux lobbys du gaz et du nucléaire, les député·e·s européen·ne·s ont tenu

Ce mardi 14 juin, les membres des commissions ‘Affaires économiques et monétaires’ et ‘Environnement, santé publique et sécurité alimentaire’ du Parlement européen ont refusé que soit considéré comme « vert » le gaz et l’énergie nucléaire. C’est une victoire pour la planète et un camouflet pour Emmanuel Macron, le président-VRP du nucléaire.

Quelques repères

La « taxo », c’est quoi ?

La taxonomie européenne désigne une classification des activités économiques écologiquement positives. Son objectif est d'orienter les investissements vers les activités « vertes », qui contribuent à la neutralité carbone du continent européen et à la réduction des déchets et des impacts sur l’environnement.

L’enjeu de la « lutte des classements » est financier : initialement la taxonomie a été conçue pour désigner les actifs « verts » en imposant aux gestionnaires de fonds, assureurs ou banquiers de déclarer ce qui dans leur portefeuille correspond à cette classification. [...] Si la taxonomie ne concerne aujourd’hui que les capitaux privés, dans le futur, elle pourrait servir de base de conditionnement pour le financement de certaines politiques publiques.
— David Cormand (Taxonomie, morne plaine., 04/03/2022)

On en a déjà parlé, non ?

En 2018, l'UE a adopté une loi visant à créer un label sur les investissements durables dans l'énergie - une taxonomie donc. La loi de 2018 a fixé un cadre, mais la responsabilité d'élaborer les lignes directrices spécifiques a été déléguée à la Commission européenne.

En décembre 2021, la proposition de la Commission pour cet acte délégué a fait l'objet d'une fuite : elle proposait de qualifier de durables les investissements dans le gaz et l'énergie nucléaire.

La proposition officielle de la Commission a été publiée en février 2022. Elle incluait toujours le gaz et le nucléaire.

Comment le nucléaire et le gaz se sont-ils retrouvés dans la taxonomie ?

Ce choix scandaleux s’est fait, notamment, sous la pression de certains États membres - à commencer par la France - alors même que le texte initial les excluait !

Mais de quelle obsession le culte du nucléaire dans notre pays est-il donc le nom ? Pour sauver un modèle énergétique obsolète, Emmanuel Macron a fait un pacte : il s’est associé avec des pays d’Europe centrale et orientale pro-gaz, pour forcer la main de la Commission.

En novembre 2021, en plein COP26, un document témoignant de ce compromis avait fuité. Aux côtés de Macron, on retrouvait notamment le Hongrois Viktor Orban, champion de la « démocratie illibérale », le Polonais fan de charbon Mateusz Morawiecki, et Janez Jansa, le « Trump slovène ».

Pour « sauver » le nucléaire, Macron fait alliance avec les pays européens pro-gaz, qui sont aussi les pays dirigés par des régimes illibéraux…
— David Cormand (Contre le nouvel obscurantisme., 05/11/2021)
 

Une première victoire écologiste contre le greenwashing

Les écologistes se mobilisent depuis lors pour modifier cette proposition révoltante. Le groupe des Verts, aux côtés d’eurodéputé·e·s d’autres groupes politiques, a déposé une objection à la proposition faite par la Commission européenne d’inclure le gaz et le nucléaire dans la liste des investissements « verts ».

Avec 76 voix pour, et 62 contre, la motion d’objection a été approuvée, ce qui envoie un signal fort à la Commission et aux défenseurs des énergies du passé.

C'est un camouflet pour Emmanuel Macron, puisqu'une large alliance parlementaire a ainsi exprimé son refus des arrangements faustiens.

C’est aussi une très bonne nouvelle pour l’indépendance énergétique du continent européen, et pour la paix : selon Greenpeace, la Russie et son géant du gaz Gazprom auraient pu gagner 4 milliards d’euros supplémentaires grâce à l’inclusion de cette énergie fossile dans la liste des investissements verts.

Mais le vote d’aujourd’hui n’était qu’une première étape, un crash test. Les eurodéputé·e·s se prononceront tous en juillet sur le texte proposé par la Commission, en session plénière. Une majorité absolue de parlementaires doit encore rejeter cet acte délégué. Le combat n’est donc pas entièrement gagné, et il faut continuer à nous mobiliser pour exclure définitivement le gaz et le nucléaire des investissements verts !

Notre position est claire : le gaz et le nucléaire n’ont rien à faire dans les énergies vertes. Les partisans du nucléaire utilisent le fait que le nucléaire soit décarboné en en faisant un argument marketing pour le remaquiller dans le miroir de l’urgence climatique. Ce faisant, ils obèrent de fait les investissements massifs dans les énergies renouvelables dont il est pourtant largement prouvé qu’elles sont absolument indispensables. Voilà pourquoi Greenpeace a dénoncé à juste titre un hold-up, qui détournerait des milliards d’euros au détriment des renouvelables…
—  David Cormand (Taxonomie, morne plaine., 04/03/2022)

Pour relire le billet de David Cormand “Taxonomie, morne plaine.” (04/03/2022), c’est ici 👉 https://www.davidcormand.fr/mon-blog-articles/taxonomie-morne-plaine

Pour relire “Contre le nouvel obscurantisme.” (05/11/2021), c’est là 👉 https://www.davidcormand.fr/mon-blog-articles/contre-le-nouvel-obscurantisme

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